L’Europe de l’après-guerre s’était construite sur le projet d’une paix durable. La chute du Mur de Berlin en 1989, la disparition de l’Union soviétique et le retour à la démocratie des nations d’Europe centrale et orientale avaient conforté cette idée et semblé l’inscrire dans un paysage géopolitique durable. Le retour de la violence en ex-Yougoslavie en 1992 n’avait pas éteint cette espérance, en dépit des crimes contre l’humanité qui y avaient été commis. Sans doute est-ce pour cette raison que l’invasion de l’Ukraine par l’armée russe en février 2022 a sonné comme un coup de tonnerre, rappelant les Européens à la sanglante réalité d’un conflit meurtrier sur leur continent, alors que le spectre d’une victoire de la Russie nous fait craindre pour l’avenir même des démocraties. Enfin, les massacres du 7 octobre 2023 marquant en Israël le retour de la barbarie pogromiste, sous uniforme djihadiste et à une échelle sans précédent, fragilise aujourd’hui jusqu’à l’idée même de refuge que constitue l’État hébreu pour les juifs du monde entier. À la surprise des Européens, succède désormais la sidération des Israéliens. Les juifs européens étaient-ils mieux préparés que leurs concitoyens au retour de la guerre ? Ont-ils partagé la sidération générale, ou les stigmates de la Seconde Guerre mondiale et de la Shoah expliquent-ils qu’ils ne se soient jamais départis d’une certaine inquiétude ? De quel poids pèsent les guerres successives qu’a dû affronter l’État d’Israël depuis sa création, et la remise en cause aujourd’hui de la sécurité de son existence ? Y a-t-il une singularité du judaïsme face à la question de la guerre et de la paix ? Ce colloque explorera, dans l’héritage des Colloques des intellectuels juifs de langue française, les facettes théoriques et pratiques de la vigilance juive face à la guerre, notamment lorsqu’elle se présente comme un moyen de parvenir à la paix.