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Pourquoi la solidarité communautaire est essentielle ?

Par Norbert Dana | 04 décembre 2025

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« Seule l'aide qui passe par un canal organisé peut permettre à la personne en difficulté de retrouver la voie de la réinsertion. »

En 1999, Norbert Dana, alors directeur adjoint du FSJU, analysait la montée de la précarité et l’importance vitale de la solidarité juive, même dans un pays doté d’un système social développé : la communauté juive doit compléter l’action sociale de l’État. Il y expliquait que les plus fragiles ont besoin d’un accompagnement qui tient compte de leur identité juive.

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Revue de L'Arche - décembre 1999
Retrouvez l'intégralité du dossier spécial ici
https://cdn.akadem.org/medias/Documents/nouvelles-detresses-nouvelles-solidarites.pdf
Notre société est largement pourvue en dispositifs sociaux. Pourquoi a-t-on besoin d'un réseau d'associations sociales juives ?
C'est vrai qu'il existe quantité de dispositifs mis en place par les pouvoirs publics (parmi les plus récents : le vote de la loi contre les exclusions, et la mise en place prochaine de la couverture maladie universelle). Mais, de manière générale, y compris à l'extérieur de notre communauté, il y a un besoin de solidarité additionnelle.
La solidarité publique, lorsqu'elle existe, est considérée - tant par le public des bénéficiaires que par les décideurs - comme représentant un minimum. Comment une personne seule, sans ressources, n'ayant pour vivre que le RMI, doit-elle se loger et manger avec un peu plus de 3 000 F ?
Il faut savoir également que les grandes sociétés immobilières ne louent ni aux chômeurs, ni aux RMistes, ni à ceux qui sont en dehors d'un circuit de vie dit « normal ». Ces personnes, qui vivent en marge de la société, n'ont donc que peu ou pas droit au logement; elles n'ont plus droit non plus au crédit à la consommation, ni à la reconnaissance et à la considération de leurs pairs. En un mot, elles n'ont plus de place dans la société. A cet égard, la solidarité additionnelle est un devoir de la communauté, qui apporte un « plus » à ceux qui sont en difficulté.
Ce « plus» a-t-il un contenu communautaire ?
Si on veut aider une personne à se réinsérer, il faut lui donner au préalable les moyens de retrouver sa personnalité et son authenticité, de se réconcilier avec son histoire. Pour tout individu doté d'une identité culturelle, il importe que cette identité soit prise en compte.
C'est là qu'intervient la solidarité communautaire. Celle-ci ne peut être qu'une aide de départ, ou une aide complémentaire. Elle n'est pas le tout. Aucune famille juive ne pourrait vivre uniquement grâce aux contributions des organismes communautaires. Mais ces contributions sont très souvent essentielles.
Y a-t-il des priorités sociales dans ce domaine ?
Quatre grands problèmes doivent faire l'objet de nos préoccupations.
D'abord le problème des enfants et des jeunes en difficulté, comme conséquence du dysfonctionnement des familles, de la démission des parents, de la désagrégation de la cellule familiale.
Ensuite, il y a l'état actuel de la famille: ménages recomposés, relations familia les complètement bouleversées, rupture de dialogue (ce n'est pas un hasard si se mettent en place aujourd'hui, à la fois dans la société globale et dans la communauté, des actions de médiation familiale).
Autre grande préoccupation : la personne âgée. L'espérance de vie s'allonge; d'où la nécessité de créer des structures pour accompagner ces personnes âgées et leur procurer des loisirs à partager avec d'autres, parce que tout ne se passe plus au sein de la cellule familiale. Pour celles qui ont des problèmes de santé, de mobilité ou de ressources, il y a tout ce qui est mis en place par la communauté nationale. Mais la communauté juive doit également imaginer des structures et des systèmes d'accueil, d'hébergement temporaire, d'aide à domicile, pour répondre aux demandes d'une part non négligeable de la population.
Enfin, nous devons absolument prendre en compte les problèmes liés au handicap : il faut soutenir la création de centres adaptés pour jeunes et adolescents, de foyers-logements pour adultes handicapés. A cela s'ajoute le cas des personnes qui ont eu un accident de parcours qui les empêche d'avoir la pleine jouissance de leurs moyens intellectuels et de leur mobilité. Elles se trouvent dans l'incapacité d'assumer un poste de travail habituel, et dans l'obligation d'accéder à une structure de type CAT (centre d'aide par le travail).
Tout se passe comme s'il y avait une montée en puissance de ces problèmes. En réalité, il y a aujourd'hui dans la communauté moins de pudeur à en parler. Par exemple, on comprend mieux que les familles d'enfants autistes aient absolument besoin, à certains moments, de respirer et de vivre autrement, parce qu'un adolescent handicapé bouscule le mode de vie habituel. La communauté se doit de soutenir ces personnes fragiles ; elles ont besoin de notre soutien, non de notre compassion.
Ce n'est pas un hasard si le thème choisi cette année pour la campagne de la Tsedaka est celui des familles en grande difficulté, au moment même où l'Union nationale interfédérale des œuvres et organismes privés sanitaires et sociaux (UNIOPSS) a retenu pour son prochain congrès le thème de la nécessaire solidarité avec les plus fragiles : fragilité sociale, psychologique, individuelle, économique... La communauté juive ne peut faire moins que ne le font les autres entités qui constituent la collectivité nationale et qui se mobilisent pour les handicapés, pour les enfants souffrant de myopathies, ou encore pour les victimes de la guerre ou de catastrophes naturelles.
Aujourd'hui, trop de personnes ont besoin de la solidarité communautaire pour se nourrir, se vêtir, se loger, ou simplement pour retrouver leur dignité. Personne ne peut rester insensible à cette détresse humaine. Ne leur offrons pas seulement une aide par le biais de l'Appel national pour la Tsedaka ; tendons-leur la main pour qu'ensemble nous puissions les aider à se réinsérer dans la communauté et dans la société globale.
Pourtant, il n'y a jamais eu autant d'initiatives en matière de soutien de proximité.
Une aide de proximité immédiate, c'est important ; mais seule l'aide qui passe par un canal organisé peut permettre à la personne en difficulté de retrouver la voie de la réinsertion. C'est là l'apport essentiel de la solidarité communautaire.
Le montant des dons collectés lors de l'Appel national pour la Tsedaka augmente chaque année. Mais il reste insuffisant au regard des besoins. Comment expliquer que l'on ne parvienne pas à sensibiliser davantage les gens ?
Le problème de l'existence, au sein de la communauté, de populations très fragiles est encore trop méconnu. Sans doute l'idée reçue selon laquelle tous les Juifs auraient bien réussi a-t-elle fini par marquer la conscience collective des membres de la communauté. Il faut lutter contre ça. C'est le sens des campagnes pédagogiques et de collecte que nous essayons de développer en direction des jeunes.
Il faut dire les choses crûment. Il y a des personnes qui sont en situation de grande détresse et qui, il y a quelques années encore, avaient une bonne situation professionnelle et sociale. Certains trouvent une parade par la solidarité instantanée ; mais ce n'est pas en se donnant bonne conscience qu'on contribue à aider les gens à long terme. Il ne faut pas se disperser. L'Appel national pour la Tsedaka est une collecte unitaire, dont le produit va à l'ensemble des bénéficiaires. Il est important de le redire : 8 millions de francs collectés, c'est très peu au regard des besoins.
Sachant qu'il y a des milliers d'enfants de la communauté qui ne font qu'un seul repas par jour, qui sont livrés à eux-mêmes et ne partent jamais en vacances, ceux qui se nourrissent convenablement peuvent-ils continuer à ne pas se préoccuper des autres ?
On ne peut plus dire qu'on ne sait pas. Nous sommes là afin de témoigner pour ces jeunes, pour ces personnes retraitées qui n'ont pas de quoi assumer les dépenses les plus essentielles, pour ces familles qui n'ont pas de quoi manger tous les jours ou payer l'électricité. Il faut que l'ensemble des membres de la communauté fassent preuve d'une solidarité exemplaire, donnent à la mesure de leurs possibilités et assurent ainsi un peu plus de dignité à ceux qui ont eu des parcours difficiles.

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