L’éthique juive de la guerre tourne autour de deux aspects : sa légitimation et sa conduite. Le Talmud classe les guerres selon leur source de légitimation. Les guerres mandatées bibliquement sont appelées « obligatoires » (milhemet mitzvah ou milhemet hovah). Les guerres entreprises à la discrétion du Sanhédrin (ou son équivalent légal comme la Knesset israélienne moderne) [1] sont appelées « discrétionnaires » (milhemet reshut).
On trouve trois types de guerres obligatoires : les guerres de conquête de Josué contre les sept nations cananéennes, la guerre contre les Amalécites et la guerre de défense contre une attaque déjà lancée. Les guerres « discrétionnaires » sont provoquées, le plus souvent, par les efforts expansionistes entrepris dans le but d’augmenter le prestige politique du gouvernement ou pour sécuriser des acquis économiques [2].
Le premier type de guerre obligatoire n’a qu’un intérêt historique. Depuis que les nations cananéennes ont perdu leur identité nationale à l’époque antique, elles ne font plus partie de l’agenda post-biblique. Cette décision, qui apparaît à la fois dans des sources talmudiques et midrashiques [3], relève d’une tendance qui occulte l’impact de la politique des « Sept Nations ». La Bible montre que ces politiques ne furent pas appliquées même à l’apogée du puissant Israël antique [4]. De plus, un ancien midrash exclut explicitement la possibilité de transférer le gouvernement des sept nations à des résidents non juifs en Terre d’Israël [5]. Maïmonide est tout aussi explicite quand il insiste sur le fait que toute trace de ces nations a disparu [6]. En limitant la juridiction du gouvernement des sept nations aux conditions de l’antique Canaan on l’empêche ainsi de servir de précédent aux pratiques contemporaines.
La seconde catégorie de guerres obligatoires, celle contre les Amalécites, fut rendue opérationnellement caduque à travers la comparaison de ceux-ci avec les Cananéens [7] ou en les présentant comme la personnification de l’essence même du mal, ce qui repoussait la bataille à la lutte précédant l’ère messianique [8].
Les deux catégories restantes, les guerres de défense (qui sont aussi comprises parmi les guerres obligatoires) et les guerres expansionnistes (comprises dans les guerres discrétionnaires), restent intactes. Par exemple, la réponse du Roi David à l’attaque des Philistins est considérée obligatoire [9] alors que ses guerres pour « agrandir la frontière d’Israël » sont discrétionnaires [10]. Les guerres intermédiaires comme les guerres préventives, d’anticipation ou préemptoires défient une classification aussi stricte. Non seulement les classifications sont débattues dans le Talmud [11], mais les commentateurs ne sont pas d’accord sur la catégorisation des différentes positions décrites dans le Talmud.
L’affrontement le plus important eut lieu entre Rashi, un lettré franco-allemand du xie siècle et Méiri un lettré franco-provençal du xiiie siècle. Selon Rashi, la position majoritaire du Talmud place l’action préventive dans la catégorie discrétionnaire alors que la position minoritaire développée par Rabbi Juda la considère comme obligatoire. Selon Méiri [12], une frappe préventive, qu’il décrit comme un mouvement militaire contre un ennemi dont on craint une attaque ou dont on sait qu’il se prépare à la guerre, est jugée être obligatoire par la majorité des rabbins mais est classée comme discrétionnaire par Rabbi Juda. Selon cette lecture, Rabbi Juda définit seulement comme obligatoires les guerres de réponse à une attaque déjà lancée. Maimonide limite lui aussi la classification obligatoire à une guerre défensive répondant à une attaque [13].
Nous nous attarderons sur les ramifications des distinctions entre guerre obligatoire et discrétionnaire en fonction des quatre points suivants : la classification d’une guerre défensive comme obligatoire peut-elle être étendue et inclure les frappes préventives ? Quelle branche du gouvernement prend la décision de déclarer la guerre ? Comment la guerre peut-elle être conduite ? Qui est soumis à la conscription ?
Tout le monde reconnaît que l’autodéfense nationale est un droit moral comme peut l’être l’autopréservation. Il n’y a pas que les esprits machiavéliques qui considèrent la sécurité et la survie de l’État comme non négociables. La question est de savoir si le droit inaliénable d’autodéfense n’est limité qu’à une attaque déjà lancée. Ceci est apparemment la position talmudique majoritaire si on se réfère à Rashi et c’est aussi celle de rabbi Juda si on se réfère à Méiri. Cette position est renforcée par l’article 51 de la Charte des Nations Unies qui établit que « Rien dans la présente Charte ne saurait faire obstacle au droit inhérent à l’autodéfense personnelle ou collective si une attaque armée se produit contre un membre ».
Cependant, la position minoritaire de Rabbi Juda, selon Rashi, majoritaire selon Méiri, tient pour acquis que la notion de frappe défensive contre un ennemi se préparant à l’attaque est tellement proche de la notion de contre-attaque qu’elle peut entrer dans la catégorie obligatoire. Cette position considère qu’attendre l’attaque elle-même peut rendre la résistance impossible par la suite. Un tel argument fut présenté par le Lord Chancellor Kilmuir devant la Chambre des Lords anglaise lorsqu’il remarqua, faisant référence à cet article 51, que « [cela] serait travestir le but de la Charte que d’obliger l’État menacé à attendre que son opposant porte le premier coup fatal » [14].
Ce jugement est à l’origine de l’assomption par le House Appropriations Committee des États-Unis du concept d’attaque préventive. Ses conclusions furent les suivantes : « En dernière analyse, pour effectivement détourner un agresseur potentiel, nous devrions maintenir nos forces armées de telle manière et de façon tellement claire que s’il devenait évident qu’une frappe contre nous ou un de nos alliés apparaissait comme imminente, nous pourrions lancer une attaque avant que l’agresseur nous ait touchés, nous ou nos alliés. Ceci est un élément de défense auquel les États-Unis ne sauraient renoncer. Nous ne pouvons compter sur aucune autre forme de découragement [15]. » Cette conception d’une défense d’anticipation permet une contre-attaque avant que le coup initial ne soit porté. En termes de guerre moderne, par exemple, si un ennemi s’apprêtait à lancer une attaque de missiles, le pays cible pourrait légitimement répondre même si les missiles n’avaient pas encore franchi ses frontières. La doctrine de défense d’anticipation permettrait les frappes préventives même si les missiles étaient encore sur leur pas de tir dans la mesure où l’ordre de lancement avait été donné.
Une guerre obligatoire est déclarée par le chef du pouvoir exécutif. Une guerre discrétionnaire requiert le conseil et/ou le consentement du Sanhédrin [16] ou son équivalent législateur et judiciaire. Il y a plusieurs raisons de demander l’implication du Sanhédrin dans la décision d’entreprendre une guerre discrétionnaire. La première découle de son rôle de personnification légale de la souveraineté populaire, la edah en termes bibliques [17]. Maïmonide, pour qui ceci impliquait que la Haute Cour était l’équivalent légal de « la communauté d’Israël dans son ensemble » [18], utilise de manière interchangeable les phrases « selon la majorité d’Israël » et « selon la Haute Cour » [19]. Cette équivalence permet à l’ancien grand Rabbin Shlomo Goren d’expliquer que la nécessité d’obtenir l’accord du Sanhédrin lors d’une guerre discrétionnaire découle de son autorité représentative [20].
La seconde raison de demander l’implication du Sanhédrin réside dans son rôle d’autorité interprétative de la Torah en tant que constitution. Dans la mesure où l’interprétation judiciaire de la loi est structurellement séparée de son exécution par le pouvoir exécutif, le Sanhédrin peut servir de frein au pouvoir exécutif.
L’implication du Sanhédrin dans une guerre discrétionnaire empêche les citoyens d’être mis en danger sans l’approbation de ceux qui les représentent. L’obligation des citoyens de combattre dans une guerre discrétionnaire peut être basée sur la perspective biblique qui considère le peuple et le monarque comme liés par une alliance [21], chaque partie ayant certaines obligations. La notion d’État englobe un pacte de sécurité mutuelle : les gens s’engagent envers l’État, qui les protège tant qu’il ne risque pas leur vie inutilement. Idéalement, les personnes doivent soutenir le roi dans la mesure où il s’est engagé à maintenir la constitution [22]. Le fait d’accorder au Sanhédrin quelque autorité dans la décision de faire la guerre garantit la présence d’un pouvoir qui contrebalance le pouvoir du roi afin de préserver l’inviolabilité du contrat social.
Avant d’accorder l’autorisation de déclencher la guerre, le Sanhédrin doit peser les pertes probables, il doit considérer les chances de succès et affirmer la volonté du peuple. Comme David Bleich l’écrit : « Le Sanhédrin est chargé d’évaluer la réalité militaire, politique et économique et de déterminer si une guerre proposée est en effet nécessaire et si elle réussira à atteindre ses objectifs [23]. » Dans la mesure où les guerres sont coûteuses en vies humaines, les pertes doivent être mesurées en fonction des chances de succès. La guerre préventive n’est pas accordée si le nombre de vies sauvées n’est pas largement supérieur au nombre de vies mises en danger. Les calculs de victoire seuls ne sont pas suffisants, le prix de la victoire doit être aussi considéré. Le grand sage talmudique babylonien du iiie siècle, Mar Samuel, condamnait les pertes dépassant le sixième des forces avant de condamner un gouvernement et l’accuser de mauvaise conduite [24]. Ainsi, un gouvernement doit non seulement faire une projection des pertes futures mais il doit aussi tout mettre en œuvre pour les limiter. Cependant, la précision dans ces calculs est quasi impossible. L’écart entre le plan et son exécution caractérise les meilleurs calculs militaires. Les plans linéaires ne prennent presque jamais en considération le monde non linéaire qui commande la stratégie et la guerre. À l’époque talmudique, Rabbi Eléazar notait que « toute guerre qui met en place plus de soixante mille [combattants] est nécessairement chaotique » [25]. La guerre moderne n’a pas changé l’équation de manière importante. Selon les mots du maréchal prussien Helmut von Moltke, « aucun plan ne peut survivre au contact d’une bataille » [26].
Ces calculs sont l’apanage de ce corps réel que représente le peuple. Le leader peut être insuffisamment désintéressé ou être prédisposé à percevoir la guerre comme une chance de renforcer son prestige personnel ou comme un moyen de stimuler l’économie ou encore d’assurer sa base politique. Comme le note le Talmud, rien ne détourne l’attention publique ni ne fait dévier l’opposition tout en créant simultanément le besoin d’un leader fort autant qu’une guerre [27]. Pensant de la même façon, Flavius Josèphe – bien conscient des machinations de dirigeants opportunistes – montre que les lois bibliques de la guerre étaient pensées pour dissuader la conquête et prévenir la guerre « décrétée en vue d’un prestige personnel » [28].
Le dirigeant peut hésiter à engager ses armées de peur de compromettre son influence dans la défense des citoyens. L’exclusion du roi de certaines décisions officielles répond, selon le Talmud, au souci de ce que les dépenses de maintien d’une armée équipée pourraient indûment influencer son jugement [29].
En somme, avant que la population ne soit mise en danger, les raisons du dirigeant pour déclencher une guerre devraient être examinées en fonction de l’intérêt public établi par le Sanhédrin. À travers un tel système d’équilibre des pouvoirs, l’intérêt de l’État et l’intérêt du peuple s’équilibrent.
L’estimation des pertes et des intérêts personnels est insuffisante pour déterminer une guerre discrétionnaire. Le ratio total de destruction requis pour une victoire doit aussi être considéré. Cette estimation inclut une « double intention » c’est-à-dire que le « bien » doit apparaître faisable et le « mal », réductible. Ainsi, par exemple, avant de mettre le siège devant une ville, on doit déterminer si elle peut être capturée sans être détruite [30]. Il ne peut y avoir de justification à détruire une ville dans le but de la sauver. Les autres lois déterminant un siège suivent les mêmes règles de pensée. Les villages imprenables ne peuvent être assiégés. Les négociations avec l’ennemi doivent précéder la décision de soumettre une ville à la faim, la soif ou la maladie dans le but d’obtenir un accord. Les émissaires de paix doivent être envoyés vers une ville hostile pendant trois jours. Si les termes de l’accord sont acceptés, aucun mal ne peut être fait aux habitants de la ville. Si l’accord n’est pas accepté, le siège ne commence toujours pas, tant que l’ennemi n’a pas ouvert les hostilités. Même une fois que le siège est commencé, aucune action cruelle ne doit être infligée aux habitants, et une porte de sortie [31] doit être ménagée pour permettre leur fuite.
Philon avertit que les vendettas nationales ne peuvent servir de justifications à une guerre. Si une ville assiégée demande la paix, celle-ci doit lui être accordée. La paix, avec tous ses sacrifices, dit Philon, est préférable aux horreurs de la guerre. Mais la paix signifie la paix. « Si », continue-t-il, « les adversaires persistent dans leur cruauté jusqu’à en devenir fous, ils [les assiégeants] devront lancer des attaques menées avec enthousiasme, ayant pour allié invincible la justice de leur cause » [32].
Bien que le but d’une armée soit de gagner, Philon et les rabbins de l’ancien temps rejetaient la justification de la nécessité militaire pour excuser les excès militaires. Bien que la victoire soit le but à atteindre, la victoire précipitée, inutilement sanglante et destructrice doit être évitée. Ainsi que le dit le commentateur Nahmanide, les actes de destruction sont permis uniquement s’ils font avancer le but recherché par la victoire [33]. Les armes calculées pour produire une souffrance disproportionnée afin d’acquérir un avantage militaire ne sont pas permises. Dans la mesure où un souci excessif de gentillesse morale peut parfois être contre-productif, la componction morale ne doit pas apparaître comme de la timidité et la méticulosité morale extrême ne doit pas être perçue comme de la délicatesse, de peur que de telles incompréhensions ne soient une invite à l’agression. Pour être sûr que cela est perçu comme venant d’une attitude forte, la préparation morale doit aller de pair avec la préparation militaire.
Philon, au fait de l’ambiguïté militaire du concept de souci moral, émet une voix prudente dans le résumé suivant de la doctrine biblique de la défense : « Tout ceci montre clairement que la nation juive est prête pour l’entente et l’amitié de toutes les nations à l’esprit semblable dont les intentions sont paisibles mais elles ne sont pas de l’espèce méprisable qui capitule devant les agressions injustifiées parce qu’elles ont peur [34]. »
L’immunité des non-combattants ne peut être sacrifiée sur l’autel de la nécessité militaire. Un tel principe tranche en faveur de ceux qui n’ont fait aucun mal. Comme le note Philon, « la nation juive, quand elle prend les armes, fait la distinction entre ceux dont la vie est faite d’hostilité et vice versa. Car pour être capable de massacrer tout le monde, même ceux qui n’ont rien ou presque rien fait, il faut montrer ce que j’appellerai une âme brutale et sauvage » [35].
Philon étend l’interdiction à l’abattage des arbres fruitiers (Deutéronome 20 : 19-20), à la mise à sac des environs d’une ville assiégée. « En effet, la loi inspire tellement d’amour de la justice à ceux qui vivent sous sa constitution qu’elle ne permet pas que le sol fertile d’une ville hostile ne soit souillé par la dévastation ou par la coupe d’arbres dans le but de détruire leurs fruits… Un arbre montre-t-il, je vous le demande, une telle mauvaise volonté envers l’ennemi humain qu’on devrait le déraciner afin de le punir pour le mal qu’il a fait ou qu’il est prêt à vous faire [36] ? » Dans le même esprit, Flavius Josèphe développe l’interdiction biblique d’inclure la mise à feu du pays ennemi et l’abattage des bêtes utilisées pour le travail [37]. Dépouiller la campagne de l’ennemi sans aucun but militaire tombe sous le coup de l’interdiction de destruction inutile. Maïmonide va plus loin en développant l’interdiction biblique d’exclure de façon systématique la destruction inutile. « Aussi, quelqu’un qui brise les objets d’une habitation, déchire les vêtements, démolit un bâtiment, assèche une source ou détruit de la nourriture dans un simple but de destruction, transgresse le commandement “tu ne détruiras point” [38]. »
Si l’on peut contrôler la pulsion de destruction provoquée par la guerre contre des objectifs non humains, il y a une chance de contrôler la pulsion de destruction dirigée contre les hommes. Le lien entre ces deux aspects forme la base de deux arguments en faveur de l’immunité des non-combattants. Puisque l’interdiction de la destruction d’arbres a été formulée de manière rhétorique, en résumé : « Les arbres d’un champ de bataille sont-ils humains qu’ils courbent devant toi lors d’un siège ? » (Deutéronome 20 : 19), on peut en déduire que, comme un arbre – s’il avait fui – ne serait pas coupé, un homme – s’il devait fuire – ne devrait pas être coupé ; Comme l’exégète hispano-italien du xve siècle Isaac Arama le présente, après avoir mentionné l’interdiction de la destruction gratuite des arbres, « encore plus convient-il de faire attention qu’aucune blessure inutile ne s’abatte sur les hommes » [39].
L’immunité des non-combattants est de plus confortée par la règle de laisser ouvert un quatrième côté d’une ville assiégée. Les commentateurs ne sont pas très clairs sur le motif : est-il humanitaire ou tactique ? Dans les deux cas, la possibilité de s’échapper sape la décision des assiégés de continuer à se battre [40]. Ainsi, il est important que l’option de fuite ne soit pas utilisée dans le but de se regrouper afin de conduire des attaques de revers [41]. Si les soldats (sans armes) ont la possibilité de devenir des réfugiés alors cela est d’autant plus valable pour les non-combattants et les personnes neutres ; d’où l’interdiction d’armes dirigées principalement vers des cibles civiles. Cette position est le prélude à toute option militaire de guerre lors d’une guerre conventionnelle ainsi que toute destruction mutuellement garantie lors d’une guerre nucléaire. Les armes de plusieurs mégatonnes, dont le but premier est le massacre de civils, qui ne sont utilisées contre des cibles militaires qu’en deuxième lieu seraient donc totalement proscrites. De même qu’il y a des armes inacceptables, il y a des cibles inacceptables.
Ces intrusions éthiques dans le déroulement de la guerre ont deux buts principaux : protéger la personnalité morale du soldat et préserver l’image humaine de l’ennemi. Tout système qui apprécie les réalités de la vie morale et de la vie militaire est face à un dilemme quand il encourage la perfection morale de l’individu alors qu’il l’implique dans des actions militaires. Certains systèmes considèrent le renoncement à la guerre comme le prix de l’excellence morale. D’autres répartissent la vie militaire et la vie morale selon des segments différents de la population. Si les deux s’excluent mutuellement, alors le partage du travail est une solution possible.
Aucune alternative n’est acceptable pour la théorie éthique juive. À propos du renoncement à la guerre, Maïmonide démontre que de renoncer à la défense revient à garantir une occupation, la conquête et l’exil. Réalisant que la dispersion est une condition politique contraire à la nature pour Israël, Maïmonide, dans son Épître aux Sages de Marseille, attribue la perte du deuxième royaume juif à l’abandon de l’art de la guerre. Il est clair que Maïmonide trouverait, selon les termes d’Abba Eban, « difficile de voir pourquoi les chantres de la renonciation unilatérale sont plus “moraux” que ceux qui cherchent à prévenir la guerre par un équilibre réciproque de la dissuasion et de l’encouragement ». Les solutions à un conflit doivent être jugées en fonction de leur efficacité et pas seulement en fonction de leur vertu. En effet, il n’y a pas de raison d’accorder, comme le souligne Eban, que « la prévention du conflit par une dissuasion efficace [est] moins morale que l’invite au conflit due à un déséquilibre évitable ». Pour que l’intimidation soit crédible, la capacité à entrer en guerre doit être crédible. Paradoxalement, comme le note Raymond Aron, « la possibilité d’une violence sans limites restreint l’utilisation de la violence sans qu’aucune menace ne soit proférée » [42].
Le désarmement unilatéral ne peut être jugé moral s’il est une invite à l’agression. Une politique d’abdication des pouvoirs qui a pour résultat la condamnation d’autres à l’assujettissement repose sur une base morale problématique. Pour le dirigeant d’une nation assiégée, la naïveté politique peut avoir pour résultat le péché moral. Maïmonide conclut sa critique de la sagacité politique des dirigeants politiques de l’ancien Israël en se lamentant « nos pères ont péché, mais ils ne sont plus » [43].
En considérant une division du travail selon l’éthique, les théologiens juifs ont eu tendance à rejeter les solutions basées sur l’exemption des élites éthiques du travail de maintien de la société. Au lieu de cela, ils ont été confrontés au défi de maintenir la stature morale des soldats. Déjà au ier siècle, Philon explique que l’interdiction de massacrer ceux qui sont sans défense dérive du souci d’éviter la sauvagerie à l’âme du soldat. En effet, même les rois étaient condamnés pour leur cruauté lors de l’élimination d’un ennemi [44].
Pendant des siècles, les moralistes se sont préoccupés de la brutalisation de la personnalité qui résulte du sang versé en période de guerre. Au xiiie siècle, Nahmanide, qui partout ailleurs exprimait son appréhension que « les personnes les plus raffinées ne deviennent possédées par la férocité et la cruauté en avançant sur l’ennemi » [45], était d’accord pour dire que la Torah voulait que le soldat « apprenne à agir avec compassion avec nos ennemis même en période de guerre » [46]. Comme le soulignait Isaac Arama deux siècles plus tard, « la guerre est impossible sans le meurtre et la haine de l’humanité… il n’y a rien de comparable qui porte atteinte à tout sens du bien et du mal » [47]. Au xviiie siècle, Hayyim Attar soulignait combien le fait de tuer, même justifié, « faisait naître une brutalisation des sens » qui requérait une grâce divine spéciale pour être atténuée [48].
Au xixe siècle, Samuel, David Luzzato démontre que puisque le but de la Torah est de renforcer les forces de compassion et de contrer le penchant naturel pour des actions qui ne bénéficient seulement qu’à soi, la Torah s’inquiète que nous ne devenions plus ingrats en jetant des pierres dans le puits d’où nous tirons notre eau. Cela serait le cas si, après avoir mangé le fruit d’un arbre, nous décidions de couper cet arbre [49]. Le dilemme juif concernant la stature morale du soldat est résumé, au xxe siècle, par les mots du Juge de la Cour Suprême d’Israël, Haïm Cohen : « Il semblerait que la violence constante, même dans un cas d’autodéfense, ne soit pas facilement compatible avec une sensibilité morale [50]. » Raison de plus pour prôner une éthique de l’état militaire.
La préoccupation concernant l’humanité de l’ennemi a aussi engendré une réflexion éthique de la part des Juifs. Deux des plus poignants commentaires remontent au ier siècle. Se référant au Deutéronome 21, 10, Flavius Josèphe annonce que le législateur des Juifs commande de « montrer de la considération même aux ennemis déclarés. Il […] interdit même le dépouillement des combattants qui sont tombés ; il prend même des mesures pour prévenir l’outrage aux prisonniers de guerre, et particulièrement aux femmes » [51].
La considération pour l’humanité de l’ennemi forme la base de l’explication de Philon concernant le commandement biblique de Nombres 31,19 sur l’expiation des soldats qui combattirent Madian. Il écrit : « Car bien que le massacre des ennemis est légal, celui qui tue un homme, même s’il le fait dans un cas forcé de légitime défense, doit répondre de quelque chose concernant la parenté commune primaire des hommes. Et donc, la purification est nécessaire aux meurtriers pour les absoudre de ce qui pourrait être considéré comme une pollution [52]. »
Puisque, malheureusement, il y eut des époques où le mal a été utilisé pour tenir le mal en respect, le problème, comme le note Rabbi Abraham Kook dans son livre Orot (Lumières), est de savoir comment pactiser avec le mal sans être souillé. Une des tactiques est celle proposée par Philon de requérir des rites expiatoires même après des maux nécessaires. Il n’est pas de guerre qui ne requiert pénitence. Selon certains, cette approche fut proposée après le massacre suivant l’épisode du Veau d’Or [53].
La dialectique qui va des exigences de la conscience aux exigences du moment a été très bien perçue par Martin Buber :
« Il est vrai que nous ne pouvons vivre dans une justice parfaite et pour préserver la communauté des hommes nous devons souvent accepter desiniquités dans des décisions concernant la communauté. Mais ce qui importe est qu’à chaque moment de décision, nous soyons conscients de notre responsabilité et que nous fassions appel à notre conscience pour peser exactement la nécessité de préserver la communauté et accepter une telle décision sans jamais aller au-delà ; pour que nous n’interprétions pas les demandes suggérées par un désir de pouvoir comme les demandes faites par la vie elle-même ; que nous ne fassions pas une habitude de mettre de côté une certaine sphère, où les commandements de Dieu n’ont pas cours, mais que nous regardions ces actions comme allant contre Ses Commandements : actions nécessaires et induites par les exigences du moment, mais restant cependant des sacrifices pénibles ; que nous ne sauvions pas, ou laissions les autres sauver notre conscience, lorsque nous prenons des décisions concernant la vie publique [54]. »
Les maux nécessaires restent toujours des maux.
Ces considérations pour le quotient moral des soldats et la vie de l’ennemi viennent de la doctrine de la « pureté des armes » des Forces de Défense Israéliennes (Tsahal). La doctrine de la pureté des armes – une expression que nous devons apparemment à l’idéologue travailliste sioniste Berl Katznelson – limite le fait de tuer aux situations nécessaires et inévitables [55]. Le rapport suivant d’une unité israélienne entrant dans la zone de Naplouse lors de la guerre des Six Jours montre que cette doctrine a été maintenue avec succès en période de guerre. « Le commandant du bataillon était au téléphone, sur le site et m’a dit “ne touche pas aux civils… ne fais pas feu tant qu’on ne te tire pas dessus et évite les civils. Attention, tu as été averti”. “Leur sang sera sur tes mains”… les gars dans la compagnie en ont parlé par la suite… Ils n’arrêtaient pas de répéter les mots… Leurs sang sera sur tes mains [56]. »
Selon le colonel Israélien Meïr Pa’il, la doctrine de la pureté des armes maintient la stature morale du soldat sans compromettre sérieusement ses capacités à combattre. « Il ne peut y avoir de doutes qu’un tournant vers un humanisme consommé et radical peut mettre en danger les Forces de Défense Israéliennes dans leur capacité à fonctionner, mais l’expérience a montré que les proportions de ce danger sont extrêmement faibles et qu’elles ne constituent pas un phénomène qui met vraiment en danger la capacité opérationnelle et l’efficacité des forces de défense [57]. »
On retrouve une ligne de conduite importante dans la pensée éthique juive depuis l’ordonnance biblique jusqu’à la pratique moderne comme cela fut noté par des observateurs des époques antique, médiévale ou moderne. Ce n’est pas parce qu’une armée repousse légitimement un agresseur qu’elle peut violer sans peur la vie des civils. Le guerrier est l’ennemi, pas le civil non-combattant. Une guerre juste ne justifie pas des actes injustes. Si le but est la paix, alors la réalité de la guerre doit être conditionnée par la vision de la réconciliation entre les peuples combattants. L’éducation à la paix fait aussi partie de la préparation militaire.
Beaucoup de ces considérations pour maintenir la stature morale du soldat et l’humanité de l’ennemi prennent leurs racines initiales dans les passages bibliques sur les guerres qui ont été considérées comme discrétionnaires. Cependant, beaucoup d’entre elles sont devenues des applications lors de guerres obligatoires. Bien que la tendance traditionnelle fait la distinction entre les deux types de guerre, la facilité à souligner leur enchevêtrement figure de façon importante dans la discussion [58].
Cette urgence de la convergence morale entre les deux types de guerres trouve sa source dans la Bible. Ainsi dans I Samuel 15,6 des plans sont faits pour évacuer les personnes neutres loin de la bataille, même dans la guerre contre les Amalécites, requise bibliquement. En plus de considérations morales, les deux types de guerre ont en commun des considérations stratégiques. Puisque le commentaire de Rabbi Eliézer dans le Midrash sur la nature chaotique de la guerre dérive du nombre de personnes impliquées dans la conquête de la Terre d’Israël, il s’ensuit que même la guerre obligatoire de la conquête originelle d’Israël a requis une évaluation de la victoire par rapport aux pertes, qui n’était pas sans rappeler les guerres discrétionnaires.
Le Midrash fait remonter le brouillage des distinctions entre les deux types de guerre jusqu’à la Torah. Il trouve dans le dialogue suivant une façon de parer aux présomptions que les propositions de paix n’étaient limitées qu’aux guerres discrétionnaires. « Dieu commanda à Moïse de faire la guerre à Sihon, comme il est dit, “engage la lutte avec lui” (Deutéronome 2 : 24) mais il ne le fit pas. À la place, il envoya des messagers… à Sihon… avec une offre de paix (Deutéronome 2 : 26). Dieu lui dit : “Je t’ai demandé de lui faire la guerre mais au lieu de cela tu as fait la paix ; par ta vie, Je confirmerai ta décision. Chaque guerre dans laquelle Israël entrera devra commencer par une proposition de paix” [59]. » Depuis, on dit que Josué a étendu une telle offre aux Cananéens et le passage des Nombres 27 : 21 montre le besoin de Josué de aux Ourim et Toumim de la prêtrise (une pratique divinatoire, ndlr) pour assurer ses chances de vaincre. Il est évident qu’une guerre divinement commandée doit se fonder initialement sur une ouverture de paix ainsi que sur une évaluation positive de son résultat [60]. De plus, de la même manière que les guerres discrétionnaires nécessitent le consentement du Sanhédrin, les guerres obligatoires nécessitent le concours des accessoires sacerdotaux (Ourim et Toumim). Dans les deux cas, les décideurs n’ont pas carte blanche pour engager leur peuple dans la guerre.
La tendance à imposer à la guerre obligatoire la retenue morale ou procédurale de la guerre discrétionnaire contrecarre l’argument de l’échelle mobile, c’est-à-dire, la croyance que « plus grande est la légitimité de la cause, plus grands sont les droits que l’on a dans une bataille » [61]. Le glissement de la certitude de droiture au sentiment de droiture personnelle est facile. La conséquence qui en découle et qui consiste à considérer la population ennemie comme étant au ban de l’humanité l’est encore plus. Dans la mesure où cette tendance est plus prononcée dans les guerres idéologiques ou religieuses, tout ce qui la contrecarre est salutaire.
Plus l’enchevêtrement des distinctions entre les guerres discrétionnaires et obligatoires est important, plus les chances de retirer des priorités militaires l’option de guerre totale sont grandes. Associer les guerres obligatoires à certaines considérations des guerres discrétionnaires empêche qu’elles ne deviennent des guerres saintes. Selon le livre de John Yoder When War is Unjust, les guerres saintes diffèrent des guerres justes par les cinq points suivants :
1.
les guerres saintes sont
validées par une cause transcendante ;
2.
cette cause transcendante est
transmise par une révélation ;
3.
l’adversaire n’a aucun
droit ;
4.
le critère du dernier recours
ne s’applique pas ;
5.
il n’est pas nécessaire de les
gagner.
La discussion ci-dessus illustre comment les points 3-5 ont été tissés dans l’étoffe éthique des guerres obligatoires. Pour nous repérer, les Amalécites vaincus ne devaient pas perdre la face ; le recours à la guerre, même contre les Cananéens, fit suite à des propositions de paix préalables, et même les chances de succès contre Madian furent évaluées par les Ourim et les Toumim. En remplaçant la catégorie de la guerre sainte par celle de la guerre obligatoire et en la soumettant à de nombreuses limitations de la guerre discrétionnaire, toute guerre devient sujette à une retenue éthique. Puisque une éthique de guerre infinie constitue une contradiction dans les termes, seule une échelle limitée de possibilités est éthiquement faisable. Il n’est donc pas surprenant que la catégorie de la guerre civile soit absente de l’éthique juive ou du lexique militaire.
L’obligation du citoyen de participer à une guerre défensive obligatoire dérive de trois affirmations. Les deux premières sont que la défense nationale est basée sur une analogie avec l’autodéfense de l’individu [62]. La défense nationale est requise par le verset « ne reste pas indifférent au sang de ton voisin » [63]. L’implication est que le devoir de venir en aide à des compatriotes attaqués est comparable au devoir d’intervenir pour secourir un individu face à un assaillant [64].
Ces deux affirmations seules sont inadéquates. Après tout, si la fuite est possible, l’autodéfense est optionnelle. De plus, l’opinion légale classique est partagée quant à l’obligation de risquer sa vie pour en sauver une autre [65]. Le résultat est que l’analogie domestique seule reste insuffisante. Le droit de défense nationale ne peut facilement être extrapolé à partir du droit de défendre sa maison.
Justifier la mise en danger d’une vie au nom de la défense nationale requiert la certitude que le devoir de sauver la communauté est suffisant pour autoriser cette mise en danger. Comme le note Maïmonide à la fin de son Épître au Yémen, « le bien public a préséance sur la sûreté personnelle » [66]. Cette responsabilité de défendre la communauté s’accroît lorsque la communauté est l’État dont le mandat inclut la protection de l’ensemble des citoyens [67].
Lors d’une guerre défensive, les vies des citoyens sont mises en péril dès la première attaque. La contre-attaque est décidée afin de diminuer les risques mortels. Ceci n’est pas le cas dans les guerres discrétionnaires qui cherchent à étendre l’influence politique ou économique du gouvernement. Même lors d’une attaque préventive, selon une école de pensée, l’absence de danger immédiat pour la population empêche l’exécutif de décider de façon indépendante de mettre en danger les vies des citoyens. C’est à la discrétion du Sanhédrin qu’est laissée la décision de savoir si une politique de guerre doit être établie.
Les délibérations du Sanhédrin comprennent l’évaluation du soutien populaire dans l’acceptation d’une politique de guerre. Ceci n’implique pas un gouvernement par référendum. Même ceux qui maintiennent que la souveraineté réside en dernier lieu dans la communauté prétendent que, pendant leur mandat, les représentants sont autorisés à exprimer la volonté collective [68]. Comme le note le halakhiste contemporain Eliezer Waldenberg, même la démocratie ne justifie pas automatiquement le gouvernement par référendum. Le gouvernement représentatif n’est pas un gouvernement par le peuple, mais le gouvernement par ses agents [69].
Dans tous les cas, avec ces théories de la règle majoritaire on trouve des stipulations préservant les droits de la minorité [70]. Tout le monde est généralement d’accord pour dire que la majorité ne peut imposer des règles injustes qui seraient discriminantes envers la minorité ; un consensus s’est donc établi afin que la majorité ait le droit d’imposer des lois à la minorité quand celles-ci bénéficient clairement à la communauté. L’opinion légale, cependant, se divise pour savoir si on peut imposer à la minorité dans les domaines discrétionnaires (devar hareshut) qui, quoique désirés par la majorité, n’apportent pas un bénéfice à la communauté dans sa totalité.
La question se pose de savoir si ces réserves s’appliqueraient au domaine de la guerre. Il apparaîtrait qu’une fois que le gouvernement en a fini avec la procédure correcte, l’individu n’aurait pas d’autre choix que de se battre. Après tout, si les autorités dûment constituées ont déterminé la nécessité d’une guerre, comment l’individu pourrait-il avoir le droit de revenir sur les décisions du gouvernement ? Ceci s’applique évidemment dans les guerres défensives où nul n’est exempt de l’obligation d’autodéfense, de l’obligation d’aider les autres et de la nécessité d’aider l’État dont l’existence même sert à protéger tout un chacun.
La question est de savoir si ces considérations s’appliqueraient également lors d’une guerre discrétionnaire où le droit de la majorité est limité par la nature discrétionnaire (devar hareshut) de la guerre et doit donc répondre aux exigences de bénéfice pour la communauté tout entière. Bien que ces considérations ne soient pas explicites, elles peuvent nous aider à comprendre les règles particulières concernant la guerre et les exemptions au service militaire.
Selon la Torah, avant de commencer les hostilités, les officiels doivent s’adresser aux troupes de cette façon :
« S’il se trouve quelqu’un qui a construit une nouvelle maison mais qui ne l’a pas bénie… ou qui a planté une vigne sans jamais l’avoir vendangée… ou qui a demandé une fille en mariage mais ne s’est pas encore marié… dans ce cas, il peut rentrer chez lui, pour éviter qu’il ne meure dans la bataille et que quelqu’un d’autre fasse tout cela à sa place.Les officiels continueront à s’adresser aux troupes et diront, y a-t-il quelqu’un qui soit effrayé et au cœur sensible : laissez-le rentrer chez lui de peur que le courage de ses camarades ne s’envole comme le sien. (Deut. 20, 5-9) »
Les individus entrant dans cette catégorie doivent d’abord se rendre au rapport pour le combat avant d’être assignés à un service alternatif. Une autre catégorie est non seulement exemptée de se présenter au combat mais est aussi excusée de service alternatif tel que l’approvisionnement en rations ou en munitions, la réparation des routes, la sécurité ou même la vérification des installations de défense [71]. Cette catégorie découle des versets suivants : « lorsqu’un homme vient de se marier, il n’ira pas au combat avec l’armée et il n’y sera assigné à aucun travail ; il en sera exempt pendant un an pour le bien de sa maisonnée afin d’apporter le bonheur à la femme qu’il a épousée » (Deut. 24, 5). D’après la Mishna, cette exemption absolue d’un an pour celui qui a consommé le mariage s’applique également à « celui qui a bâti sa maison et l’a bénie » ainsi qu’à celui qui a « planté une vigne et qui l’a vendangée » [72].
Toutes les exemptions sont caractérisées par leur accès général. Il n’y a pas d’exemption basée sur la naissance, l’éducation, la classe sociale ou même le statut religieux [73]. Cela correspond au but moral de la conscription qui est de généraliser ou de rendre hasardeux les risques de guerre pour toute une classe d’âge d’hommes. En ne créant pas une exclusion spéciale, même religieuse, la Torah sous-entend que, lorsque la vie est en jeu, il ne peut y avoir de respect des individus uniquement.
Le but de toute exemption n’est pas expliqué de façon très claire bien que l’on fasse allusion à l’importance d’écarter du champ de bataille ceux qui ne peuvent se concentrer sur l’action. La présence de telles personnes augmente les pertes à cause du désarroi et d’un manque de courage. D’autres explications à l’exemption incluent la nécessité de mitiger les difficultés individuelles, de donner du courage à ceux qui restent, de maintenir la sécurité du camp [74] ou de prévenir la dépopulation des zones urbaines [75].
En tenant compte de chaque cas comme de l’illustration d’un principe, les rabbins talmudiques ont étendu les exemptions afin de couvrir quatre catégories de handicaps : économique, familial, psycho-moral et physique [76]. Des demandes d’exemptions économiques et familiales sont sujettes à vérification. Les autres sont considérées comme évidentes [77].
Bien que l’exemption psycho-morale ne requière pas de confirmation indépendante, sa signification est loin d’être évidente. La Torah mentionne deux catégories : « effrayé » et « au cœur sensible ». D’après Rabbi Yosé Hagalili, effrayé signifie « anxieux à cause de ses péchés » ; au cœur sensible signifie « ayant peur de la guerre de peur d’être tué ». Selon Rabbi Akiva, effrayé signifie « ayant peur de la guerre » et au cœur sensible signifie « empli de compassion – anxieux de devoir tuer » [78]. Pris ensemble, on peut trouver des raisons d’exempter ceux qui sont psychologiquement timorés ainsi que ceux qui sont moralement scrupuleux [79].
En outre, en plus de devoir être prouvées, les dispenses familiales et économiques ont un autre dénominateur commun. Des projets comme ceux de démarrer la construction d’une maison, commencer une vigne ou se fiancer concernent essentiellement les hommes jeunes à une époque de leur vie où la préparation au combat est maximum. On trouve aussi des personnes qui seraient tout à fait prêtes à s’engager dans une guerre nécessaire mais qui seraient complètement récalcitrantes devant une guerre optionnelle. Un grand nombre d’exemptions dans cette classe d’âge peut aussi bien réduire les efforts de mobilisation comme réduire l’effort militaire comme l’implique Nahmanide lorsqu’il note, « si ce n’était [les justifications demandées], une majorité de personnes se ferait exempter sous de faux prétextes » [80]. Les peurs de Nahmanide venaient de l’expérience du juge biblique Gédéon qui, en accordant des exemptions psycho-morales, perdit les deux tiers de ses forces de combat [81].
Mais nous en arrivons au cœur du sujet. Il y a une profonde lacune dans la législation de la guerre, tellement profonde qu’elle permet à ceux qui ne sont pas convaincus de la validité de la guerre de réaffirmer leur souveraineté à travers des manigances légales. Les doutes sur la validité de la guerre créeront leur propre actualité sociale et pousseront de nombreuses personnes à rechercher une exemption totale. Le résultat en sera que la guerre déclarée par le pouvoir exécutif et approuvée par le Sanhédrin capotera parce que la populace n’aura pas été convaincue de sa nécessité [82].
La mobilisation ne peut réussir sans un degré élevé de motivation du peuple. De nombreuses personnes pourront exprimer leur manque d’entrain en traînant les pieds dans l’espoir d’être, comme le dit le Talmud, « les derniers à aller à la guerre et les premiers à en revenir » [83]. En exprimant sa réticence à combattre, la populace conserve un semblant de souveraineté. En lui permettant, même indirectement, de porter un jugement sur le fait de savoir si une expédition militaire est nécessaire et sert un but politique légitime, la Torah sous-estime l’interdépendance entre la préparation militaire et la préparation populaire. En effet, afin que des territoires conquis entrent dans le domaine public, l’expédition militaire doit obtenir l’approbation de la majorité [84].
Le résultat en est que les guerres obligatoire et discrétionnaire nécessitent toutes les deux une base morale et politique [85]. Sinon, l’effort de guerre sera menacé par la morale de la communauté qui constitue la ressource du pouvoir. David Ben Gourion l’avait bien résumé quand il avait dit « deux tiers de toute prouesse militaire est le moral populaire » [86].
En dernier lieu, ce qui est en jeu n’est pas seulement le caractère juste de la guerre (jus ad bellum) ni la conduite de la guerre (jus in bello) mais les moyens et les buts recherchés par la guerre. Ce n’est pas parce qu’une guerre peut être justifiée à la fois par la cause et la conduite qu’elle est nécessaire. Bien que tous les jugements ultimes de nécessité soient toujours rétrospectifs, les décisions de vie et de mort restent entre temps sujettes, en partie, à l’examen des gouvernés. En somme, il n’est pas suffisant que les guerres soient justifiées par une référence aux fins et aux moyens. Elles doivent aussi être justifiées pour ceux qui sont appelés à faire le sacrifice suprême.
En réponse à la question de savoir pourquoi la Torah enregistre les occasions où les ordres de Dieu sur la conduite de la guerre ont été révoqués dans le sens du conseil de modération de Moïse, le Midrash déclare : « Même la guerre est mentionnée pour le bien de la paix [87]. » Si la réalité de la guerre doit être conditionnée par la vision de la paix, alors la retenue dans le recours à la guerre et dans sa conduite est obligatoire pour laisser une possibilité aux offres de paix.
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1. Reuven Kimelman, « The Ethics of National Power:
Government and War from the Sources of Judaism », dans Daniel J. Elazar (éd.),
Authority, Power and Leadership in the Jewish Polity: Cases and Issues, 1991,
chap. 2, fin de la partie 2.
2. J. Sotah 9:10, 23a ; B. Berakhot 3b ; B. Sotah
44b ; B. Sanhédrin 16a ; Maïmonide, Hilkhot Melakhim 5:1. Voir Chanoch Albeck,
Seder Nashim (Tel Aviv, 1958), p. 390-391.
3. M. Yadayim 4:4 ; B. Berakhot 28a ; B. Yoma 54a ;
cf. T. Yadayim 2:17.
4. 1 Rois 9:20-21 ; 2 Chroniques 8:7-9.
5. David Hoffman, Midrash Tannaim sur Deutéronome
20:15, p. 121, n. 10. Voir aussi Midrash Hinukh et Sefer HaHinukh, mitsva n°
527, Joseph Babad, dans Pardès (New York, s.d.), p. 154-155.
6. Maïmonide, Hilkhot Melakhim 5:4 ; Sefer
HaMitsvot, mitsva 187.
7.
Minhat Hinukh, mitsvot n° 425 et 604.
8.
Moshe ben Jacob de Coucy, Sefer Mitsvot Gadol
(Semag), commandement négatif n° 226 ; Gloses maïmonidiennes sur Hilkhot
Melakhim, chap. 5, lettre aleph, citées dans M. M. Kasher, Torah Shelemah, vol.
14, p. 340.
9.
Midrash Shmouel 22:2, éd. S. Buber, p. 110.
10.
Midrash Lekah Tov, éd. S. Buber, Deutéronome, p.
35a. Cf. Vayikra Rabbah : distinction entre guerres de David pour Israël et
guerres personnelles. Voir aussi Rashi sur B. Gittin 8b et 47a s.v. kibush
yahid ; B. Avodah Zarah 20b.
11.
B. Sotah 44b ; J. Sotah 8:10, 23a.
12.
Beit HaBehirah sur Sotah 42a ; Or Zaru'a (cf.
glossaire Shulkhan Arukh, Orakh Hayyim 329:6) autorise une frappe préventive
contre une hostilité. Levush limite ce cas à des zones stratégiquement
vulnérables.
13.
Maïmonide, Hilkhot Melakhim 5:1 ; Avraham
Karelitz, Hazon Ish, Al HaRambam (Bnei Brak, 5729), p. 841 ; Maïmonide,
commentaire sur la Mishnah, Sotah 8:7.
14.
Barry Feinstein, « Self-Defence and Israel in
International Law: A Reappraisal », Israel Law Review 11 (1976), p. 531.
16.
M. Sanhedrin 1:5, 2:4 ; B. Sanhedrin 16a ; B.
Berakhot 3b ; Rashi ad loc. ; Bereshit Rabbah 74:15. Cf. Rouleau de la mer
Morte (11QT 58:15-21). Voir aussi Moshe Soloveitchik, Kovets Hidushe Torah
(Jérusalem, s.d.), p. 31.
17.
B. Sanhedrin 16a ; Abraham Malamat, « Organs of
Statecraft in the Israelite Monarchy », in The Biblical Archaeologist Reader 3,
E. F. Campbell Jr. et D. N. Freedman (éd.), Garden City, NY, 1970, p. 167-168.
18.
Maïmonide, commentaire de la Mishnah, Horayot
1:6, éd. Kajih, Nezikim, p. 309. Cf. Gerald J. Blidstein, Political Concepts in
Maimonidean Halakha (hébreu), Ramat Gan, 1983, p. 58.
19.
Gerald J. Blidstein, « Individual and Community
in the Middle Ages », in Daniel J. Elazar (éd.), Kinship and Consent. The
Jewish Political Tradition and Its Contemporary Uses, Ramat Gan, 1981, p. 247,
n° 62.
20.
Shlomo Goren, Mashiv Milhamah, vol. 1,
Jérusalem, 5743, p. 127-130. Cf. Blidstein, Political Concepts, p. 58, n. 19.
21.
II Rois 11:17 ; II Chroniques 23:3 ; II Samuel
5:3. Voir aussi Abraham Malamat, « Organs of Statecraft », p. 164-165 ; Hayim
Tadmor, « ‘The People’ and the Kingship in Ancient Israel », dans H. H. Ben
Sasson et S. Ettinger (éds.), Jewish Society through the Ages (New York, 1971),
p. 59-62 ; F. M. Cross, Canaanite Myth and Hebrew Epic (Cambridge, Mass.,
1972), p. 221.
22.
Voir Josèphe, Antiquités 9.7.4 (153).
23.
David J. Bleich, « Preemptive War in Jewish Law
», Tradition 17 (1983), p. 25. Sur le rôle des Ourim et Toumim : B. Eruvin 45a
; Rashi sur B. Berakhot 3b fin ; J. Sabbath 2:3 ; 5b ; Midrash HaGadol sur
Nombres 27:21, p. 483.
24.
B. Shavuot 35b ; Tosafot s.v. deqatla. Cf.
Responsa Hatam Sofer sur Orakh Hayyim 208, p. 77a.
25.
Cantique des Cantiques Rabbah 4:4.
26.
Gordon Craig, « The Political Leader as
Strategist », dans Peter Paret (éd.), The Makers of Modern Strategy from
Machiavelli to the Nuclear Age (Princeton, 1986), p. 481-509 ; Edward N.
Luttwak, Strategy: The Logic of War and Peace (Cambridge, Mass., 1987), p.
10-15.
27.
B. Temurah 16a. Cf. Aristote, Politique 1313b :
un tyran favorise la guerre pour renforcer sa domination.
28.
Josèphe, Contre Apion II.272 et 292.
29.
B. Sanhedrin 8b ; Arukh, s.v. apsania ; Nombres
Rabbah 22:6 : lenteur exécutive comme stratégie politique.
30.
Sifre Deutéronome, section 203, éd. Finkelstein,
p. 239 ; Midrash HaGadol sur Deutéronome 20:19, éd. Fish, p. 451.
31.
Ibid. ; Midrash HaGadol sur Nombres 31:7, éd.
Rabinowitz, p. 538, n. 17. Cf. Davis S. Shapiro, « The Jewish Attitude towards
Peace and War », dans Leo Jung (éd.), Israel of Tomorrow (New York, 1946), p.
239 ; Lawrence K. Milder, Laws of War in the Bible and Formative Rabbinic
Literature (thèse, Hebrew Union College, 1983).
32.
Philon, The Special Laws, IV.221.
33.
Nahmanide, commentaire sur Deutéronome 20:19.
34.
Philon, The Special Laws, IV.224.
37.
Josèphe, Contre Apion II.212-214.
38.
Maïmonide, Hilkhot Melakhim 6:10 ; Sefer
HaMitsvot, mitsva négative 57.
39.
Isaac Arama, Akedat Yitshak, chap. 81 (rééd.
Jérusalem, 1961), p. 97b.
40.
Ramban, ajout au Sefer HaMitsvot, éd. Chavel
(Jérusalem, 1981), cinquième mitsva, p. 246 ; 2 Rois 6:21-23 ; Seder Eliyahou
Rabbah 8 : promotion de l’immunité des non-combattants.
41.
Basé sur Targum Onqelos, Targum Pseudo-Jonathan
et Midrash Lekah Tov sur Nombres 33:35.
42.
Abba Eban, The New Diplomacy: Internal Affairs
in the Modern Age (New York, 1983), p. 325 ; Raymond Aron, Clausewitz :
Philosophe de la Guerre (Englewood Cliffs, N.J., 1985), p. 345 ; Proverbes
20:18.
43.
Collected Epistles and Responsa de Maïmonide,
vol. 2 (hébreu), éd. A. Lichtenberg (Leipzig, 1859), p. 25. Cf. Proverbes 20:18
; Salomon de la Verga, Shevet Yehuda ; Simone Luzzato, Discours sur la
condition des Juifs ; Hécate d’Abdéra dans Diodore de Sicile, Bibliothèque
Historique 40:3 ; Théodore Herzl, Altneuland ; A. I. Kook, « The War », in A.
Hertzberg (éd.), The Zionist Idea (New York, 1959), p. 422-423 ; Judah L.
Magnes, Dissenter in Zion, éd. A. Goren (Cambridge, Mass., 1982), p. 34-35.
44.
Lamentations Rabbah, Introduction, section 14 ;
2 Rois 6:22 ; 1 Rois 20:31.
45.
Nahmanide, commentaire sur Deutéronome 23:10.
46.
Voir ci-dessus n. 40.
47.
Voir ci-dessus n. 39.
48.
Hayyim Attar, Or HaHayyim sur Deutéronome 13:18.
49.
S. D. Luzzato, Commentaire du Pentateuque
(hébreu), Tel Aviv, 1965, p. 537-539.
50.
Haim Cohen, « Law and Reality in Israel Today »,
dans S. Baron et G. Wise (éds.), Violence and Defense in the Jewish Experience
(Philadelphia, 1977), p. 332.
51.
Josèphe, Contre Apion II.212-213. Cf. Mekhilta
Amalek 1, éd. Horowitz-Rabin, p. 181 ; éd. Lauterbach, vol. 1, p. 147 ; Naftali
Zvi Berlin, Ha’amek Davar sur Deutéronome 17:3.
53.
Targum Yerushalmi ; Or HaHayyim sur Exode 32:29
; A. Ehrlich sur Nombres 31:50, Mikra Ki-phshuto, vol. 1 (New York, 1969), p.
301. Cf. Rav A. I. Kook, Selected Letters, trad. et annoté par Tsvi Feldman
(Ma’aleh Adumim, 1985), [Igrot 89], p. 180.
54.
Martin Buber, Israel and the World (New York,
1963), p. 246-247 ; cf. Seder Eliyahou Rabbah 4, éd. Freidmann, p. 17.
55.
Ehud Luz, « The Moral Price of Sovereignty: The
Dispute about the Use of Military Power within Zionism », Modern Judaism 7
(1987), p. 51-98, en particulier p. 76 ; cf. Ben Gourion et la doctrine de la
pureté des armes, citée dans Cohen, art. cité, p. 332.
56.
Avraham Shapira, The Seventh Day: Soldiers’ Talk
about the Six-Day War (Londres, 1970), p. 132.
57.
Méir Pa’il, « The Dynamics of Powers: Morality
in Armed Conflict after the Six-Day War », dans Marvin Fox (éd.), Modern Jewish
Ethics: Theory and Practice (Columbus, 1975), p. 215.
58.
Yehudah Girshuni, Sefer Mishpat HaMelukhah
(Jérusalem, 5744), p. 130-134 ; Maïmonide, Hilkhot Melakhim 6:1, 6:7, 7:1. Cf.
Blidstein, Political Concepts, p. 221, n. 34 ; Soloveitchik, Kovets Hidushei
Torah, p. 128-131.
59.
Deutéronome Rabbah 5:13 ; Midrash Tanhuma Tsav
5.
60.
Vayikra Rabbah 17:6, éd. Margulies, p. 386. La
nécessité d’une offre de paix avant la guerre est soutenue par Maïmonide,
Hilkhot Melakhim 6:5 ; Nahmanide sur Deutéronome 20:10 ; SeMaG mitsva 118 ;
Sefer HaHinukh mitsva 527 ; Minhat Hinukh ; Sa’adiah Gaon, in Yeruham Perla,
Sefer HaMitsvot LeRabbenu Sa’adiah (Jérusalem, 1973), p. 251-252.
61.
Michael Walzer, Just and Unjust Wars: A Moral
Argument with Historical Illustrations (New York, 1977), p. 246.
62.
Midrash Tanhuma, Pinhas 3, p. 90.
63.
Lévitique 19:16. Cf. Reuven Kimelman, « Judging
Man by the Standards of God », B’nai B’rith International Jewish Monthly, 1er
mai 1983, p. 12-18.
64.
Reuven Kimelman, « Torah against Terror – Does
Jewish Law Sanction the Vengeance of Modern-Day Zealots? », B’nai B’rith
International Jewish Monthly, octobre 1984, p. 16-22 ; Itamar Warhaftig, «
Self-Defense in the Crimes of Murder and Injury » (hébreu), Sinai 81 (5737), p.
48-78.
65.
David Ben Zimra, Teshuvot Radbaz, vol. 3, n°
1052 (contre) ; Joseph Karo, Kesef Mishneh sur Hilkhot Rotzeah 1:14 (pour).
66.
Abraham Halkin et David Hartman, Crisis and
Leadership: Epistles of Maimonides (Philadelphia, 1985), p. 131. Cf. Bereshit
Rabbah 91:10 ; Halevi, Kuzari 3:20.
67.
Abraham Avidan (Zemzl), « Risking Oneself in the
Saving of Another in the Light of the Halakha » (hébreu), Torah SheBa’al Peh,
vol. 16 (Jérusalem, 5734), p. 133 ; Abraham Kook, Mishpat Kohen (Jérusalem,
5724), sections 142-144 ; Sha’ul Yisraeli, « Guerre obligatoire et guerre
discrétionnaire » (hébreu), Torah SheBa’al Peh, vol. 10 (Jérusalem, 5728), p.
46-50 ; Juges 5:23. Cf. Michael Walzer, Obligations: Essays on Disobedience,
War, and Citizenship (New York, 1970), p. 77-98.
68.
Blidstein, Political Concepts, p. 225-227 ;
Samuel Morell, « The Constitutional Limits of Communal Governments in Rabbinic
Law », Jewish Social Studies 33 (1971), p. 87-119 ; Rashba (R. Solomon ben
Aderet), Responsa, vol. 1, n° 617 et vol. 3, n° 443 ; cf. Menachem Elon, Jewish
Law: History, Sources, Principles (hébreu), vol. 2 (Jérusalem, 1973), p.
588-589.
69.
Eliézer Waldenberg, Sefer Hilkhot Medinah, vol.
3 (Jérusalem, 5712), p. 90-97.
70.
Blidstein, « Individual and Community », p.
235-237, 252-253 ; Morell, art. cité, p. 90-96. Cf. Rabbénou Tam (XIIe s.), sur
les droits des minorités ; Elon, Jewish Law, p. 580-587.
71.
Maïmonide, Hilkhot Melakhim 7:11 ; Saul
Lieberman, Tosefta Ki-fshutah, vol. 8 (New York, 1973), p. 695, l. 246.
73.
Maïmonide, Hilkhot Shemitah VeYovel 13:12 ;
Midrash HaGadol sur Nombres 1:49, éd. Rabinowitz, p. 10 ; Shlomo Zevin, Lé’or
HaHalakha (Tel Aviv, s.d.), p. 27-28 ; Girshuni, Sefer Mishpat HaMelukhah, p.
425 ; Shmaryahu Arieli, Mishpat HaMilhamah (Jérusalem, 1971), p. 37-43 ; cf.
Hilkhot Shabbat 2:23 ; Waldenberg, Tzitz Eliezer, vol. 3, siman 9, p. 34-35.
74.
Eliézer Waldenberg, « The Religious Dimension of
the Army of Israel » (hébreu), HaTorah VeHaMedinah 4 (5712), p. 197-216.
75.
Sifre Deutéronome, section 192, p. 233 ; cf. The
Temple Scroll 58:9-11.
76.
Shlomo Goren, Torat HaShabbat VeHaMoed
(Jérusalem, 5742), p. 369.
77.
Sifre Deutéronome, section 192, p. 233 ; S. H.
Kook, Iyyunim Umehkarim, vol. 1 (Jérusalem, 5719), p. 225-237.
78.
David Halvini, Mekorot Umesorot, Nashim (Tel
Aviv, 5719), sur Sotah 44a, p. 473-474 ; Cf. Abraham Ibn Ezra et Hizkuni sur
Deutéronome 20:8.
79.
Abraham Hen, BeMalkhut HaYahadut, vol. 1
(Jérusalem, 5719), p. 36 et 103.
80.
Nahmanide, commentaire sur Deutéronome 20:8 ;
cf. Bekhor Shor, ad loc.
82.
M. Sotah 8:7 ; T. Sotah 7:24 : exemption
seulement en guerre discrétionnaire. Cf. Meiri ; Lieberman, Tosefta Ki-fshutah,
vol. 8, p. 695, n. 38 ; Hazon Ish, Orakh Hayyim, Moed (Bnei Brak, 5733),
Eruvin, siman 6, p. 167b.
84.
Maïmonide, Hilkhot Terumot 1:2 ; Hilkhot
Melakhim 5:6 ; Sifre Deutéronome 51, éd. L. Finkelstein, p. 116 ; cf. Shetat
HaQadmonim sur Avodah Zarah, éd. M. Blau (Brooklyn, 1969), p. 51-52 ; Samuel
Atlas, Pathways in Hebrew Law (hébreu) (New York, 1978), p. 66-75.
85.
1 Maccabées 3:56 ; cf. Yigael Yadin, The Scroll
of the War of the Sons of Light Against the Sons of Darkness (hébreu),
Jérusalem, 1957, p. 64 ; Reuven Kimelman, « Judaism and the Ethics of War », in
Jules Harlow (éd.), The Rabbinical Assembly Proceedings 1987 (New York), p.
22-24.
86.
David Ben Gourion, BaMa’arakhah, vol. 5 (Israël,
5710), p. 292 ; cf. Harry Summers Jr., On Strategy: A Critical Analysis of the
Vietnam War (Novato, 1982).
87.
Midrash Tanhuma, Tsav 3.