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Quand un Yid s'essayait au bonheur...
Par Moïshe Pipik | 16 décembre 2025
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Michaël Hirsch aurait pu écrire ce télégramme juif : « Commence à t'inquiéter. Stop. Détails suivent… ». Je dis ça pour crayonner une esquisse du personnage.
Les faits : sa femme, Anna, lui a délivré cette sévère observation en se rendant chez des amis à l'occasion du réveillon du 31 décembre : « Michaël, t'es gentil, sensible, attentionné, mais la joie, c'est pas ton truc. »
C'est rude. Cette sentence a quelque chose de menaçant pour l'avenir de ce jeune couple. Cette saillie radicale va transformer Michaël en un Bouvard et Pécuchet, il fait les deux, prêt à tout expérimenter pour changer ce statut de rabat-joie indépassable. Il est enclin à explorer tous les possibles pour muter en Schtroumpf Joyeux.
Il rencontrera une kyrielle de passeurs et d'experts autoproclamés es bonheur. Le temps presse : Anna est enceinte. Il lui reste neuf mois pour accomplir sa métamorphose. Son statut de futur père, plein d'amour pour l'enfant qui va naître, l'oblige à la joie, lui commande de vivre sous le joug de la joie, ce serait comme un impératif d'obéir à une mitsva essentielle qui le traverserait ontologiquement.
Que d'angoisse à subir pendant ces neuf mois ! Et si son inaptitude à la joie était dans son ADN ? Et si son enfant était atteint de cette même tare ? Et si le style affectif d'un sujet était le résultat d'une loterie biologique ?
Vous le saurez en allant au Théâtre de l'Œuvre !
Une histoire chez les Juifs et chez les conteurs en déclenche toujours une autre.
Un Juif séfarade veut devenir ashkenaze (je sais, vous la connaissez). On l'en dissuade, on lui explique la géographie, les généalogies. « Je t'en fous, Lisette » il insiste. On est sensible à sa persévérance, à son acharnement .
Il s'initie au yiddish.
Il raconte, en contrefaisant un accent du Pletzel disparu, l'histoire du fils à qui la mère a offert deux cravates (je sais, vous la connaissez).
Son gefilte fish et son gehakte leber sont célébrés.
Il chante Beltz mein stetll Beltz comme un Khazan de compète.
Tant de prouesses émeuvent le comité des sages, Rozinski, Shmulevich et consorts, et à l'occasion d'un vin d'honneur, on le nomme, on l'adoube ashkenaze.
Notre Juif séfarade éclate de satisfaction et clame : « Ah, quelle joie ! Quel bonheur ! Que je suis heureux ! C'est le plus beau jour de ma vie ! »
Et le comité, d'une seule voix, de répondre : « Ah, non ! Je ne crois pas que ça va être possible… »
Moïshe Pipik
Retrouvez
ici
les prochaines représentations de Y'a de la joie ! de Michaël Hirsch.