Ce texte est long — très long. Voilà le premier
sentiment que l’on éprouve en lisant cette tribune signée par les figures
habituelles de cet écosystème (l’écrivaine Nobel de littérature Annie Ernaux,
le philosophe Enzo Traverso, l’historien Julien Théry, le militant de Tsedek
Simon Assoun…), ainsi que de nouvelles recrues dont le coming-out est sans
surprise (l’historien du nazisme Johann Chapoutot). Ce qu’elle vise à démontrer
en exhaustivité, c’est l’innocence absolue de la France Insoumise en matière
d’antisémitisme. Les signataires sont blessés et heurtés, meurtris par cette
accusation. Et ils font savoir la profondeur de leur chagrin en mobilisant tout
le vocabulaire de l’offense : comment peut-on accuser les Insoumis de quelque
chose d’aussi grave que l’antisémitisme ?
Dans le lexique militant, cette réaction d’effroi
hyperbolique face à une incrimination que l’on considère injuste est désignée
par un terme hautement ironique : la « fragilité ». Cette tribune n’est en
effet rien d’autre qu’une illustration magistrale de ce qu’on pourrait appeler
« la fragilité goy » - et bien que se joignent à eux, comme toujours,
quelques Juifs-caution toujours prêts à porter secours aux victimes de l’«
infamie ». Ces intellectuels, bouleversés dans leur
conviction d’être des belles personnes, sont offusqués que des Juifs puissent
massivement signaler, documenter et dénoncer les saillies antisémites qui gangrènent
la France Insoumise.
Avec toute la précaution nécessaire, donc, pour
ne pas heurter davantage leur sensibilité, il s’agit ici de leur répondre et de
mettre au jour quelques-uns des « red flags » que comporte leur
tribune, c’est-à-dire les signaux d’alerte indiquant qu’une limite
inacceptable a été franchie.
Pour les signataires, l’accusation
d’antisémitisme émane du pouvoir et vise à disqualifier le combat
progressiste : « Nous savons bien pourquoi cette offensive déchaînée
est menée : la possibilité d’une arrivée de la gauche au pouvoir terrifie les
représentants d’un ordre social, économique et idéologique ». Cette
rhétorique est très répandue dans ce milieu militant. On la retrouve par exemple dans la récente tribune du
journaliste Vincent Edin qui s’offusque qu’on puisse
dénoncer un quelconque antisémitisme au sein de ce parti : « C’est une
tactique vieille comme le monde du capital quand il voit le camp du partage.
L’antisémitisme c’est même tout ce qui reste au capital quand il a tout foiré
pour faire peur du partage ». Jean-Luc Mélenchon avait déjà usé de cette
stratégie lors du mouvement social des Gilets jaunes. La dénonciation d’un
imaginaire antisémite actif au sein de ce mouvement était perçue par le chef de
file des Insoumis comme la volonté de discréditer la révolte sociale.
Certes, la lutte contre l’antisémitisme est
largement instrumentalisée par les forces dirigeantes et encore récemment on a vu Marine Le Pen tenter de discréditer la gauche
en se posant comme seule vraie amie des Juifs. Mais, comme
le rappelle très justement le philosophe Jean-Yves Pranchère, il n’existe
qu’une seule manière de lutter contre cette instrumentalisation : c’est
d’occuper le terrain même de la lutte contre
l’antisémitisme. Vociférer contre son instrumentalisation est vain si on
ne mène pas ce combat dans le même temps, et cela a pour conséquence dramatique
de laisser les Juifs seuls avec ceux qui instrumentalisent leur défense. Pire
encore, cette rhétorique insinue que, en cas d’échec électoral de l’union de
gauche, les Juifs en seraient les responsables… Les Juifs et non pas les
antisémites, alors que c’est bien leur présence au sein de la gauche qui
enferme chaque Juif et chaque républicain honnête dans un cas de conscience
douloureux. On pourrait presque voir là une nouvelle déclinaison du trope
antisémite consistant à faire des Juifs un « agent destructeur » des sociétés.
Mais ménageons l’irritabilité de nos signataires.
La tribune s’inquiète aussi de
« l’affaiblissement » et du « dévoiement » de la lutte
contre l’antisémitisme. C’est là faire preuve d’un discours paternaliste visant
à expliquer aux premiers concernés – les Juifs – quelle serait la bonne manière
de mener le combat contre l’antisémitisme. C’est l’équivalent structurel de ces
hommes bien intentionnés qui expliquent aux femmes comment il faudrait mener
les luttes féministes : « Mansplaining », on appelle ça.
« Goysplaining » devrait-on appeler ce que font les signataires
de la tribune.
Ce terme juridique revêt une dimension «
électrique », car dans l’imaginaire collectif il renvoie inéluctablement à la
Shoah – n’en déplaise aux auteurs de la tribune qui se sentent obligés de
rappeler l’existence d’autres génocides. Certes. Mais, ils sont loin d'ignorer
que le terme est apparu pour désigner la destruction des Juifs d’Europe. En
Occident, ce lien fondamental entre génocide et Shoah se maintient. On peut le
regretter, s’y opposer éventuellement, on ne peut pas nier le fait. Par
conséquent, user du terme « génocide » pour dénoncer les crimes commis à Gaza
charrie immanquablement une mise en équivalence abjecte entre Israéliens et
nazis. Dans un contexte d’explosion des crimes
antisémites perpétrés par ceux qui insultent, frappent ou violent des personnes
juives, en pensant par-là venger les actes de guerre commis par Israël au
Proche-Orient, on attendrait d’une gauche humaniste et
progressiste de se montrer tout particulièrement attentive au risque d’activer
un des leviers principaux de l’antisémitisme contemporain. Nous assistons
pourtant à l’exact contraire, et cette tribune visant à justifier l’usage de ce
terme y participe.
Cet argument vaut en soi, pour soi. Cependant, pour ce qui est de la pertinence juridique de l’usage du terme, je renvoie aux explications déjà apportées dans K. par le juriste, spécialiste de droit international, Yann Jurovics. Il montre en effet à partir des ordonnances prononcées par la Cour Internationale de Justice que les crimes commis par Israël, dans le cadre de la réplique aux massacres du 7 octobre, ne relèvent pas du génocide, mais pourraient être caractérisés de crimes de guerre ou de crimes contre l’humanité. Il ajoute - et c’est important - qu’il n’existe pas de hiérarchie en termes de gravité entre ces trois qualifications : génocide, crime contre l’humanité, crime de guerre. Autrement dit, en droit, un génocide n’est pas « plus grave » ou « moins grave » qu’un crime contre l’humanité, il s’agit simplement de qualifications différentes. Par conséquent, refuser d’user de ce terme ne signifie pas minimiser ce qui se produit à Gaza mais, d’une part, se conformer aux caractérisations du droit international et, d’autre part, prendre en considération le poids de l’histoire – en l’occurrence juive.
Il n’est pas inutile de rappeler ce point juridique quand on découvre comment un des signataires du texte, pourtant juriste de profession, se montre incapable de donner la simple définition du génocide lors de l’interview live accordée Au poste le 20 juin dernier et consacrée à la genèse de la tribune.
Une partie du texte est consacrée à blanchir deux figures des Insoumis qui ont fait couler beaucoup d’encre ces derniers temps : la députée européenne Rima Hassan et le député du Nord David Guiraud. Concernant la première, les signataires ne tarissent pas d’éloges à son égard et affirment qu’elle serait très consciente de la menace antisémite : « R. Hassan est d’une solidité à toute épreuve sur le sujet, connaît l’histoire des persécutions antisémites, comprend la peur face à leur recrudescence et exprime cette compréhension avec une véritable attention – sensible, humaine, politique ». Ils étayent leur point de vue de la façon suivante : « Il est inadmissible, éthiquement et déontologiquement, d’associer à une quelconque forme d’antisémitisme l’expression qu’elle utilise comme tant et tant d’autres : « Du fleuve à la mer, la Palestine sera libre ». Dire que cet espoir politique serait antisémite est une odieuse manipulation. Rima Hassan n’a cessé de le répéter avec les plus grandes clarté et fermeté : il s’agit d’une aspiration que portent depuis des décennies les partisans d’une paix fondée sur l’anticolonialisme, une coexistence des deux peuples sur cette même terre, un État binational ».
Ce qui stupéfait le plus à la lecture de ces lignes est l’effort considérable d'auto-hallucination déployé. Le slogan « Du fleuve à la mer, la Palestine sera libre » induit nécessairement – arithmétiquement – une destruction de l’État d’Israël a minima sous sa forme actuelle, c’est-à-dire en tant qu’État-refuge, seul État des Juifs qui existe dans le monde. Faudrait-il leur refuser à eux seuls le droit d’exercer une pleine souveraineté ? Les signataires sauraient-ils mieux que les Juifs eux-mêmes ce qui est bon pour eux ? La sensibilité à la « question juive » de Rima Hassan – ainsi que celle des auteurs de ce texte – est encore quelque peu défaillante.
Il faut dire que la députée s’engouffre dans la théorie du « complot juif » en laissant entendre que le gouvernement français serait aux ordres du CRIF, et désigne le député européen Raphaël Glucksmann comme “faisant partie du problème” alors même que celui-ci dénonçait les crimes commis à Rafah et plus généralement la politique de Nétanyahou.
Par ailleurs, et bien que personne ne demande à Rima Hassan de « s’excuser d’être Palestinienne » comme le sous-entend le texte, il faut clairement affirmer que les attaques misogynes et racistes dont elle est régulièrement la cible sont inacceptables.
Quant au député David Guiraud, accusé notamment d’avoir posté un tweet antisémite, le même aveuglement dans l’argumentaire est à l’œuvre : « En l’occurrence, l’accusation portée contre David Guiraud nous paraît absolument injuste. Non seulement nous affirmons qu’il n’est pas antisémite, mais en outre nous pensons que son post ne l’était pas et que, comme il l’a indiqué, il ignorait l’usage de ce dogwhistle ».Donc, parce que David Guiraud – qui reconnait avoir commencé à s’intéresser au conflit israélo-palestinien à travers les vidéos de Dieudonné et d'Alain Soral – ne savait pas qu’il mobilisait un dogwhistle,
Il est automatiquement blanchi. Examinons cela. Le fait est que ce qui est reproché à Guiraud est d’avoir assimilé l’Observatoire juif aux « dragons célestes », c’est-à-dire une association juive à une organisation de nobles manipulateurs et esclavagistes exerçant une domination mondiale, et condamnant à mort ceux qui osent proférer la moindre critique à leur égard. Par conséquent, peu importe que le député sache que l’image utilisée soit un dogwhistle ou pas (c’est-à-dire soit d’ores et déjà utilisée par une communauté d’antisémites), ce qui est significatif est qu’il ait opéré lui-même cette assimilation intrinsèquement complotiste. Ou veut-on nous expliquer qu’en 2024, il y a des gens, responsables politiques de surcroît, qui ne savent pas que le thème du « complot juif » est un trope antisémite ? Là encore, l’effort est titanesque pour ne pas voir ce qui est manifeste.
Les signataires avancent un argument qui est invalidé dans absolument toutes les autres luttes (contre les racismes, contre les violences faites aux femmes, contre les violences policières, etc.) mais qui, concernant l’antisémitisme, étonnamment, devient non seulement autorisé, mais bien plus encore sacralisé. Quel est cet argument ? Aucune condamnation judiciaire pour antisémitisme n’a été prononcée à ce jour contre un cadre de LFI. Pas de condamnation, pas d’antisémitisme. Circulez, il n’y a rien à voir. Cet argument est largement mobilisé par des militants et journalistes insoumis, lesquels savent pourtant pertinemment – puisqu’ils le rappellent à raison sur d’autres sujets - qu’une absence de condamnation par les tribunaux n’équivaut pas à une garantie d’innocence : elle peut être le signe de failles dans le fonctionnement du système judiciaire. Ce qui vaut donc pour toutes les autres minorités ne vaut en revanche pas pour les Juifs, et les signataires peuvent cyniquement s’en enorgueillir : « cette réalité importe ».
Après Rima Hassan et David Guiraud, les signataires s’attellent au sauvetage périlleux du chef lui-même, Jean-Luc Mélenchon. Chercheurs, militants et journalistes ont déjà - et depuis longtemps - documenté et analysé les saillies équivoques de celui-ci. Tout cela est disponible et accessible en quelques clics pour qui se donne la peine de s’y intéresser. Regardons donc plutôt l’argumentaire mis en place par la tribune.
Celui-ci repose sur trois stratégies distinctes. La première consiste à dresser la liste de tous les moments où Jean-Luc Mélenchon… n’a pas tenu de propos antisémites. La démarche est pour le moins curieuse. Qu’attendent donc les signataires ? Des félicitations ? Un trophée ? Une médaille ? Peut-être pourrait-on lui remettre celle que l'on décernera à tous ceux qui n'ont pas mis une main aux fesses dans le métro.
Rappelons un fait élémentaire : la déclaration du chef des Insoumis se disant opposé à l’antisémitisme – rapportée avec emphase dans le texte – n’a absolument rien d’extraordinaire. Une telle déclaration générale constitue le minimum que l’on puisse attendre d’un parti dont la doctrine politique ne peut structurellement pas reposer sur la haine des Juifs, puisque c’est un parti de gauche, donc une formation politique intimement attachée aux droits des minorités. Aussi est-il normal que, si l’antisémitisme prospère au sein de la France Insoumise, il n’y soit évidemment pas programmatique. Faire de cette normalité un fait de gloire ne révèle qu’une chose : la cécité obstinée des signataires face au problème.
Du reste, ces derniers savent bien que la multitude de déclarations antiracistes émanant de politiques n’abolit pas magiquement les structures de pensée et les imaginaires racistes hérités de l’époque coloniale, que ceux-là travaillent toujours nos sociétés actuelles et viennent souvent se manifester de manière clandestine. Voilà un petit scoop pour les signataires de la tribune: l’antisémitisme aussi a une histoire. Mais, encore une fois, ce qui vaut pour la défense des autres minorités ne vaut manifestement pas pour les Juifs.
La deuxième stratégie consiste à rapporter de manière volontairement biaisée ou tronquée certains épisodes qui ont fait polémique. Exemple : l’éviction de Jean-Luc Mélenchon par la LDJ, groupuscule juif d’extrême droite, de la marche en hommage à Mireille Knoll, victime d’un assassinat antisémite en 2018. Pour les signataires du texte, « cette brutalité indécente n’avait évidemment pas empêché J.-L. Mélenchon de considérer qu’elle était un « épiphénomène », à l’importance sans rapport avec la gravité du meurtre antisémite commis. Il fallait avant tout, rappelait-il, se sentir solidaires et au côté de toutes les personnes juives qui pourraient se sentir en danger ». Cette sagesse serait respectable si elle était avérée. Malheureusement, le chef des Insoumis a plutôt choisi de répandre son aigreur et son hostilité dans une note de blog sidérante. Comme le montre Jean-Yves Pranchère, Jean-Luc Mélenchon adopte dans ce texte un ton menaçant, n’hésite pas à opposer un « nous » républicain » à un « eux » communautaire, et désigne le CRIF et son président comme responsables de la montée de l’antisémitisme. L’acharnement de nos signataires à ne pas voir ce qui est flagrant s’adosse clairement à des troubles hallucinatoires.
Enfin, la troisième stratégie consiste à concéder timidement quelques « maladresses » pour aussitôt adopter une posture victimaire : les Insoumis et leur chef seraient en fait sommés de devoir se taire, victimes d’une vaste opération médiatique d’intimidation en raison de leur empathie pour les Palestiniens. C’est de cette façon que les signataires décrivent la séquence du tweet de Jean-Luc Mélenchon accusant la présidente de l’Assemblée nationale de « camper à Tel Aviv ». L’attention des médias s’est focalisée sur un mot, un petit mot qui n’en méritait pas tant. Et ils concluent : « Tour de force parfaitement insensé. (…) intimider, faire taire et fustiger celles et ceux que la situation en Palestine horrifie, tel est le résultat de cette opération ».
Ajoutons à cela que ce tweet est révoltant à bien d’autres égards, et non pas uniquement pour l’usage du terme « camper ». Pour rappel, le chef des Insoumis opposait une fois encore la France, la « vraie », celle qui manifestait Place de la République, à une France antagoniste incarnée par Yaël Braun-Pivet, « à Tel Aviv », qui « encouragerait le massacre ». A-t-on besoin d’expliquer aux historiens signataires de cette tribune que l’assimilation des Juifs à une « anti-France » constitue un vieux thème antisémite ? Jean-Luc Mélenchon a d’ailleurs persisté et signé puisqu’il a de nouveau réactivé ce schème d’opposition entre une France et une « anti-France » au cours d’un récent meeting. Lors d’une séquence sidérante, il a fait huer par ses militants le Collectif Nous vivrons, en les accusant « d’empêcher les autres de vivre » et en affirmant sans ciller qu’ils « n’agissaient pas pour la France ».
Ce qui sidère à la lecture d’un tel texte est l’aveuglement résolu, entêté, acharné des auteurs, leur faculté à refuser de « voir ce que l’on voit » pour reprendre la formule acérée de Charles Péguy. Les signataires slaloment entre des principes auxquels ils adhèrent mais qu’ils refusent obstinément d’appliquer aux Juifs. Cela donne des affirmations de principes dont on ne tire aucune conséquence. Aussi consent-on à reconnaître – à demi-mot - que l’antisémitisme a une histoire structurelle en France : « Nous savons bien que le racisme dans nos sociétés est dramatiquement structurel et même systémique ; que l’antisémitisme en fait partie ; qu’il a une longue histoire, dont la gauche n’est pas exempte ». Mais dans le même temps, on balaye d’un revers de main toutes ses - très nombreuses - manifestations au sein de la France Insoumise.
Il est également bien vu d’accorder une place centrale à la parole des premiers concernés en matière de discrimination et cette précaution peut même être répétée à plusieurs reprises : « Ce principe d’entendre les premières et premiers concerné-es compte, dans toutes les luttes et dans celle-ci en particulier ». Ceci n’empêche pas nos signataires d’étouffer immédiatement et définitivement la parole des Juifs. À cet égard, le récit qui est fait de l’éviction des militants Insoumis venus au square des Martyrs juifs du Vélodrome d’hiver après avoir refusé de participer à la grande marche contre l’antisémitisme du 12 novembre 2023 est édifiant. Les auteurs y voient une nouvelle opération médiatique de disqualification de LFI et sont parfaitement hermétiques aux justifications avancées par les militants juifs qui s’opposaient à leur venue. Ces derniers – « premières et premiers concerné-es » pourtant – deviennent sous leur plume de simples « contre-manifestants venus perturber la solennité et le recueillement qui caractérisaient cette initiative ».
À la veille d’élections décisives pour notre pays qui pourraient amener l’extrême droite au pouvoir, force est de constater que les signataires de cette tribune préfèrent persévérer dans leur aveuglement vis-à-vis du rapport des Insoumis à l’antisémitisme plutôt que de procéder à un auto-examen et une auto-critique sérieuse qui prendrait en compte les signalements massifs et répétés des premiers concernés, les Juifs : selon un sondage récent, 92% d’entre eux ont le sentiment que LFI contribue à la montée de l’antisémitisme. Cette réalité est massive.
L’initiatrice de cette tribune écrivait en 2013, après le meurtre d’Ilan Halimi et l’attentat de Toulouse, que l’antisémitisme en France demeurait « très minoritaire et était désormais supplanté par des stigmatisations ayant principalement l’Islam pour cible».
En définitive, quand on ignore tout de l’histoire des Juifs, de l’antijudaïsme, de l’antisémitisme, de la judéité, du sionisme, on n’exhibe pas avec outrance son inculture et sa cécité dans une tribune qui se prend pour ce qu’elle n’est pas. Mesdames et Messieurs les signataires, ne vous occupez pas de la lutte contre l’antisémitisme, on s’en charge.
-----------------------------------------------------------
2 Ce syntagme ironique circule dans les milieux militants, l’activiste antiraciste féministe Ilana Weizman l’utilise notamment dans son ouvrage
Des Blancs comme les autres, Stock, 2022.
3 Cette fragilité-là est comparable à la « fragilité blanche » souvent mobilisée pour rendre compte du vote Trump aux Etats-Unis ou du vote RN chez nous.
5 Cette assimilation des Israéliens aux nazis se trouve sur un nombre considérable de pancartes lors de manifestations pro-palestiniennes depuis des décennies.
6 Rappelons que les terroristes de Toulouse et de l’Hypercasher entendaient « venger les enfants palestiniens » en assassinant des Juifs.Idempour le récent viol d’une petite fille juive à Courbevoie.
7 Voir les chroniques de Yann Jurovics sur
Akadem ainsi que son
entretien accordé à la
revue K.
9 Un code antisémite compréhensible par les initiés, mais permettant d’éviter les accusations et la modération de propos explicites : ici une image issue de la culture manga.
11 Voir notamment les articles suivants :
« Face à l’antisémitisme, sortir de la confusion », Solitudes intangibles, de Jean-Yves Pranchère,
« La France insoumise, Jean-Luc Mélenchon et l’antisémitisme »,
Histoire politique de l’antisémitisme en France, de Milo-Lévy Bruhl,
« Antisémitisme, les fautes de Jean-Luc Mélenchon »,
Médiapart, de Lénaïg Bredoux et Fabien Escalona
« Du silence à la lutte contre l’antisémitisme: le tournant d’un juif de gauche radicale »,
K. Jonas Pardo,
« Avenir de la gauche et lutte contre l’antisémitisme », K., Milo Lévy-Bruhl,
« Mélenchon et Ozar Hatorah: un massacre en trop »,
K., Milo Lévy-Bruhl.
12 Là se loge la différence fondamentale avec le Rassemblement National dont l’idéologie est structurée en partie sur la haine antijuive – bien que celle-ci soit mise en sourdine de manière parfaitement opportuniste.
14 « Il faut toujours dire ce que l’on voit; surtout il faut toujours, ce qui est plus difficile, voir ce que l’on voit. » Charles Péguy,
Notre Jeunesse 16 La France à l’heure du monde. De 1981 à nos jours, Seuil, Ludivine Bantigny.