Campus
Limoud

Isabelle Cohen
La Tora peut être définie selon le Sfat emet, commentateur polonais du XIXe siècle, comme le « commentaire du monde », autrement dit, la « science des sources ». A l’instar de la métaphysique, dont elle constitue une définition pour Benjamin Fondane, cette science peut s’apparenter à un désir de possession de la source elle-même. Or la Tora est double et sa structure, foncièrement contradictoire. En effet, la tradition juive enseigne que la Tora est à la fois donnée à voir (écrite) et retirée, cachée (orale, c’est-à-dire ayant été à la fois dictée par Dieu à Moïse et assortie de ses commentaires oraux, ou de son secret, dès sa révélation). Ainsi, insaisissable par nature et interdite à la possession, comme tout objet de désir, aimant et soucieux de renouvellement, la Tora se dérobe à la tentation du « faire corps avec ». Elle témoigne à la fois de l’absence et de la présence de Dieu, car sa parole y résonne. Et, précisément, le peuple juif sait dire, en miroir, la présence de l’absence. Gardiens de l’éternité du jeu amoureux, la Tora et Israël cherchent l’union sans la possession.
